Düttmann : L’art du cuir sculptural redéfinit le savoir-faire de la ceinture sur Premiere Classe

Entretien avec Janina Düttmann, créatrice et fondatrice de la marque Düttmann, lors de l’édition de mars 2025 de Premiere Classe sous l’emblématique tente du Jardins des Tuileries.

Au cœur de l’effervescence créative de Premiere Classe, une marque spécialisée dans la maroquinerie et dont les ceintures sont au centre de chaque collection,  s’est distinguée par la précision architecturale de ses pièces et son intégrité artistique : Düttmann. Imaginée par Janina Düttmann, cette jeune marque adopte une approche sculpturale et avant-gardiste de l’accessoire, mêlant influences historiques et artisanat contemporain. Portée par une quête de fluidité, de structures pensées pour le corps et par une volonté de s’affranchir des tendances éphémères, cette première présentation sur le salon signe une entrée remarquée dans le paysage parisien de la mode et de l’art.

Une enfance créative et la genèse de Düttmann


Pour Janina, le chemin vers la création de Düttmann est ancré dans une enfance bercée par la créativité. « J’ai toujours pratiqué la peinture et le dessin — il était évident que mon parcours se tournerait vers l’art », se souvient-elle d’abord. « Au départ, je voulais devenir artiste, mais le design m’a attirée car il me permettait d’allier créativité et fonctionnalité. » 


Après un détour initial par des études de commerce, Janina intègre Esmod Paris, se spécialisant en couture sur le campus Design du 9e arrondissement. « J’ai toujours privilégié la dimension artistique du design plutôt que sa simple viabilité commerciale », explique-t-elle. « Je voulais créer quelque chose qui ne soit pas qu’un produit, mais une pièce porteuse de sens, de profondeur et d’expression culturelle. »


La maissance de Düttmann prend forme à travers ses expériences dans de grandes maisons de mode telles que Chloé et Iris Van Herpen. « Chez Chloé, j’ai développé une réelle admiration pour le savoir-faire et l’héritage. Puis, chez Iris Van Herpen, j’ai pu repousser les limites et explorer le design conceptuel. Ces deux expériences m’ont structurée entre artisanat d’exception et radicalité artistique, tout en façonnant la vision de ma propre marque. »


Une vision singulière : sculpturale, asymétrique et affranchie des tendances


Düttmann n’est pas une marque qui suit les tendances — elle crée son propre langage visuel. « Je voulais développer des accessoires aux allures sculpturales, presque comme des œuvres d’art à porter », précise Janina. « Je commence toujours par des croquis, puis je travaille sur mannequin avec des cordes pour explorer la silhouette avant d’entamer le prototypage. Mon processus est très instinctif et manuel. »


Les pièces signature de la marque se distinguent par leurs formes fluides, leur asymétrie et leur audace structurelle, le tout fortement influencé par l’Art Nouveau.  « J’adore les lignes organiques de l’architecture Art Nouveau — la manière dont elles bougent, se courbent et rejettent la symétrie rigide », confie Janina. « Il s’agit de ré insuffler de l’histoire dans la modernité, de raviver l’artisanat d’antan sous un prisme contemporain. »

La marque revendique son indépendance artistique et se détache des pressions du marché. « Je ne crée pas en pensant à une cible. Je conçois ce qui me semble authentique. Le bon public nous trouve naturellement. C’est avant tout une démarche de slow fashion, qui valorise l’investissement dans des pièces rares, durables et chargées de valeur pour celles et ceux qui les porteront. »


L’artisanat et la noblesse des matières


Au cœur du travail de Düttmann, l’artisanat tient une place fondamentale. Les créations se construisent à partir d’une seule pièce de cuir, travaillée sans découpe ni altération, afin d’en préserver la pureté visuelle. « La matérialité est essentielle », développe Janina. « Le cuir a cette capacité à épouser le corps au fil du temps — il devient une seconde peau. À la fois robuste et délicat. »


Le processus de création est hautement spécialisé « L’atelier avec lequel je collabore fabrique d’ordinaire des ceintures droites, mais pour mes modèles, il a fallu mettre au point de nouvelles techniques afin de créer des courbes adaptatives », raconte Janina. « Un artisan a passé une semaine entière à maîtriser la technique de couture nécessaire pour mes pièces », se souvient-elle, admirative.


La durabilité est également au cœur de sa démarche créative.  « Je travaille avec du cuir tanné végétal et des intérieurs en cuir régénéré, pour garantir la longévité des pièces et réduire les déchets. Pour moi, la durabilité ne se limite pas aux tendances éphémères de l’écologie — il s’agit de créer des objets pensés pour traverser le temps. »


Premiere Classe : une vitrine idéale pour la reconnaissance internationale


Présenter sa marque pour la première fois sur Premiere Classe fut une expérience que Janina a abordée avec ouverture.  « Je voulais créer des connexions, partager ma vision et observer la manière dont l’industrie allait réagir à mes propositions », confie-t-elle.  « Les retours ont été incroyablement positifs — les visiteurs ont été fascinés par le savoir-faire et l’unicité de chaque pièce exposée sur le salon ! »


Le rayonnement international du salon a permis à la créatrice de rencontrer des acheteurs et créatifs du monde entier. « J’ai eu des échanges très enrichissants avec des boutiques et la presse, et la réponse a dépassé toutes mes attentes », se réjouit Janina. « Même celles et ceux qui se contentent de passer et de prendre des photos contribuaient, à mes yeux, à construire la reconnaissance de ma marque. »


Janina souligne également l’importance de la sélection opérée par Premiere Classe.  « Le niveau de savoir-faire parmi les exposants est exceptionnel. Pour un produit de luxe comme le mien, il est essentiel d’évoluer dans un environnement qui valorise l’artisanat et non la production de masse. »

Une vision en expansion…


Pour Düttmann, l’avenir se veut fluide — littéralement.  « Je continue d’explorer les formes organiques, les concepts d’ornementation corporelle et de nouvelles façons de construire des pièces qui soient à la fois sculpturales et portables », tease Janina.  « Il y a une forte influence japonaise dans mes techniques de coupe, où j’expérimente des éléments à la fois techniques et hautement décoratifs. »


La prochaine collection poussera encore plus loin ces explorations.  « Je me vois aller au-delà de l’accessoire et concevoir des collections complètes — des pièces fluides, dramatiques et hautement structurées qui redéfinissent la garde-robe du soir comme celle des individus d’aujourd’hui », partage Janina. « Il s’agit de créer un univers dans lequel la mode ne se porte pas simplement, mais se vit et se ressent. »


Avec son approche avant-gardiste, son esthétique sculpturale et son engagement sans faille envers l’artisanat, Düttmann s’impose peu à peu comme une signature singulière dans la mode contemporaine — une courbe audacieuse après l’autre...

Yann Jobard Setzu

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