Quel est l’avenir des designers face à l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle va-t-elle remplacer les créateurs de mode ? Cette question revient sans cesse dans les industries créatives. Tony Pinville, cofondateur de la société Heuritech et spécialiste de l’IA, y répond.

C’est sur LOUD, l’espace du salon Who’s Next dédié aux questions sociétales, qu’une conversation essentielle s’est tenue. Car si beaucoup se réjouissent des avancées de l’IA—que ce soit pour organiser leurs vacances ou résumer leurs e-mails—de nombreux créatifs, eux, craignent d’être remplacés. Pour apporter son éclairage, Tony Pinville a pris la parole au micro du magazine digital culturel S-quive. Cofondateur en 2013 de Heuritech aux côtés de Charles Ollion, il peut se targuer d’avoir vu son entreprise récompensée par le prestigieux Prix de l’innovation du groupe LVMH en 2017. Aujourd’hui, Heuritech compte parmi ses clients des maisons de mode telles que Dior, Louis Vuitton ou encore Moncler, et illustre parfaitement l’impact croissant de l’intelligence artificielle sur le secteur du luxe.

Tony Pinville s’est formé à l’IA dès la fin des années 2000. À cette époque, la discipline en est encore à ses balbutiements, mais il est convaincu qu’elle va révolutionner le monde. Il décide alors d’en faire son sujet de thèse et de publier des articles scientifiques pour contribuer à la recherche. « C’est le deep learning qui a permis de transformer le secteur », explique-t-il. « C’est ainsi que mes associés et moi avons eu l’idée de créer une entreprise mettant l’IA au service des entreprises. » Pourquoi la mode ? « C’est un secteur unique, et la France est perçue comme légitime dans ce domaine. L’industrie repose sur l’image, les tendances et l’évolution des besoins des consommateurs… Cela avait du sens. » Questions et réponses avec un expert du sujet.

S-quive : Comment l’IA transforme-t-elle le design ?


Tony Pinville : Elle peut aider les designers à plusieurs niveaux, notamment en confirmant ou infirmant une intuition sur les tendances du moment. L’IA permet aussi de mieux transmettre une idée, de visualiser un produit pour convaincre du bien-fondé d’une création.


L’intelligence artificielle est-elle un nouvel outil ou un partenaire ?


C’est un nouveau pinceau. Une opportunité de travailler différemment et plus efficacement, pour permettre aux designers de se concentrer sur leur véritable valeur ajoutée : créer quelque chose de nouveau.


Va-t-elle remplacer les créatifs ?


L’IA ne va pas remplacer l’humain. En revanche, les designers qui ne l’utiliseront pas risquent d’être remplacés par ceux qui le feront. L’IA facilite le travail du créateur, mais ne le remplace pas. Il est normal de craindre l’inconnu, mais se former permet de mieux comprendre les opportunités et les limites de cet outil.

Quelle place pour la résistance à l’IA ?


Elle est essentielle. D’une part, parce qu’elle pousse les créateurs à s’interroger sur les limites de la technologie. D’autre part, parce qu’elle permet d’identifier ce que l’IA ne peut pas encore faire. Les réticences ne viennent pas uniquement du monde extérieur, elles existent aussi dans l’industrie tech.

 

Quels sont les défis de l’IA dans la création et le design ?

L’un des grands enjeux est celui de la propriété intellectuelle. Lorsqu’une IA s’inspire de designs existants, qui possède réellement l’œuvre ? Peut-on déposer une création générée par l’IA ? Il y a aussi des questions autour de l’utilisation des données personnelles pour entraîner ces modèles. Comment garantir une utilisation éthique et transparente ?

 

Quel impact sur la chaîne de production ?


L’IA intervient en amont de la création pour analyser les tendances et les préférences selon différentes zones géographiques. Elle permet d’ajuster les quantités de production en fonction des spécificités locales, réduisant ainsi les invendus. Elle aide aussi à lancer les bons produits au bon moment et à la bonne personne. Toutefois, l’IA n’est pas une solution miracle. Elle ne peut fonctionner qu’avec des données fiables. Sans données, elle est inutile.

 

Les écoles de design forment-elles aux outils de demain ?


Nous intervenons dans les écoles pour expliquer comment nos équipes travaillent avec l’IA. Pour les étudiants, cette technologie est plus naturelle, car ils ne sont pas conditionnés par des méthodes traditionnelles. Peu d’entre eux sont réfractaires à son usage. Nous collaborons avec les écoles pour préparer la nouvelle génération de designers à intégrer ces outils dans leur pratique.

Articles similaires